Dans le cadre du séminaire du LinCS « Fabriques de l’enquête et croisements disciplinaires : faire du terrain, construire le terrain, rendre des comptes au terrain », nous aurons le plaisir d'accueillir Adriana Espíndola Corrêa, professeure adjointe de droit civil à la faculté de droit de l’Université fédérale du Paraná au Brésil, chercheure invitée à l'Université de Strasbourg.
Son intervention intitulée "Genre et sexualité dans les tribunaux brésiliens : quelles représentations du corps ? Réflexions méthodologiques autour d’une enquête empirique et interdisciplinaire en droit", aura lieu le 26 janvier 2024 de 14h à 16h à la MISHA, Salle Asie.
Résumé :
Le corps est construit juridiquement, dans la modernité, comme le double « organique » ou « biologique » de la personne. Et en tant que tel, il appartient à la catégorie des choses. Ces conceptions relèvent du discours médical du corps, dont le droit fait un usage particulier, et sont souvent retrouvées dans les réponses du droit à des transformations sociales liées à l’accélération technoscientifique et au développement des biotechnologies. D’un autre côté, surtout depuis quelques décennies, la diversité des identités corporelles sont invoquées comme fondement de reconnaissance des droits, en donnant corps au sujet de droit. Il n’y a donc pas une conception uniforme et cohérente du corps dans le discours juridique. Partant de ces réflexions autour du statut juridique du corps et des différentes représentations du corps dans le discours juridique, ma recherche interroge de quel corps - ou de quels corps (au pluriel) - parle le droit (et de quels corps il ne parle pas). En cherchant une réponse, bien que partielle, à cette question, j’examine les différentes représentations du corps féminin et de personnes trans dans les arrêts des Tribunaux Supérieurs brésiliens qui abordent des questions de genre, sexualité, identité, et droits sexuels et reproductifs.
La recherche empirique, à travers l’analyse de contenu de ces documents juridiques (arrêts des Tribunaux), permet de faire une cartographie des représentations du corps dans le discours juridique au tour des droits sexuels et reproductifs, du genre et de la sexualité, au Brésil. L’approche interdisciplinaire permet, à la fois, de mettre en question la naturalité du corps encore hégémonique dans le discours juridique, animé par le discours médical. La problématisation du corps biologique et « naturel » est importante pour éviter l’essentialisation problématique du sexe et du genre (et tous les binarismes qui en découlent), qui favorise le contrôle et la hiérarchisation des corps (comme celui des personnes trans et des femmes) dans nos sociétés. Les contributions de la sociologie et de l’anthropologie du corps, ainsi que les théories féministes et queers, sont donc fondamentales pour penser la régulation juridique du corps. Ces réflexions sont d’autant plus primordiales dans une société, comme la société brésilienne, marquée historiquement par la hiérarchisation des corps dans le contexte du colonialisme et de l’esclavage.
Le séminaire est ouvert à toutes et à tous, dans la limite des places disponibles, en s'inscrivant auprès d’Helena Prado (hprado[at]unistra.fr).
Il sera aussi possible de suivre le séminaire en distanciel sur le lien suivant : https://bbb.unistra.fr/b/pra-dp2-mtw-mth
En espérant vous y croiser, nombreuses et nombreux !